Récemment promu en division Fédérale parmi les 32 clubs se disputant le championnat national, le Stade Rochelais reçoit ce 5 décembre 1948, le SU Agen au Stade Marcel Deflandre. Maurice Darraidou raconte comment le David rochelais a terrassé le Goliath agenais.
Un coup de botte mémorable
Depuis plus d’une heure déjà, les ogres agenais butent sur une défense rochelaise inflexible, cocktail de cœur, de mobilité et de vaillance. L’énergie dépensée commence à manquer aux mastodontes lot-et-garonnais.
Irrités par ces sangsues qui se muent progressivement en gazelles, les Basquet, Ferrasse, Clavé, Carabignac et consorts s’emportent quelque peu et durcissent le propos. La hargne prend le pas sur la lucidité, et la violence exprimée, si elle constitue un aveu d’impuissance, est indigne du standing de ce club prestigieux.
L’arbitre M. Murail ne s’y méprend guère et désapprouve ces débordements. A dix minutes de la fin, le talonneur local Arruabarrena fait les frais d’une attention particulière du pilier Artinx. Le geste répréhensible est immédiatement sanctionné. Oh les Agenais n’ont guère de crainte, l’action de jeu stoppée par cette faute se situe légèrement au-delà de la ligne médiane, à quelques pas du bord du terrain.
Une fois de plus et dans un souci d’occupation rationnelle du territoire adverse, l’arrière rochelais cherchera une bonne touche. Quelle ne fut point leur surprise quand Jean Bégué fit signe à l’arbitre qu’il tentait le but. Des sourires moqueurs apparurent sur plusieurs visages agenais, certains même allant jusqu’à des sarcasmes peu glorieux.
Dans un rituel bien établi, notre botteur répète une énième fois les mêmes gestes, se concentre longuement et dans un silence quasi religieux puis s’élance. Le ballon s’élève, porté par le vent favorable, et vient mourir entre les perches, dans un tonnerre d’applaudissements. Les Agenais dépités jetteront leurs dernières forces dans le combat mais leurs relances désordonnées trouveront des Rochelais intraitables, ragaillardis par ces trois petits points.
La victoire entrevue dans cet affrontement d’hommes n’a pas de prix. Rassemblant les quelques onces d’énergie restantes, nos Stadistes tiendront jusqu’au coup de sifflet libérateur. L’ogre était enfin terrassé…
Sur la photo : le Basque Jean Bégué, Capitaine de la formation rochelaise, terrasse les Agenais de Guy Basquet d'un phénoménal coup de pied.
Extrait du livre "100 ans de rugby au Stade Rochelais" de Jean-Michel Blaizeau (1997)